SF2M Info juillet 2023
Auteur : Yves BIENVENU
Éditorial : la rencontre "Matériaux et Société" du 15 décembre 2022
Parution : 04/07/2023
La rencontre « Matériaux et Société » du 15 décembre dernier à la Maison de la Chimie à l’occasion de la remise annuelle de prix et médailles SF2M avait pour thème le « Choix Raisonné des Matériaux ». La SF2M, sur la lancée du « Livre Blanc post-COVID » développe sa dimension « sociétale », d’une part en donnant la parole aux récipiendaires, d’autre part en organisant au moins une tribune d’une durée de plus d’une heure associant des représentants du monde de l’industrie, en l’occurrence cette année, sidérurgie, chimie et céramiques, construction automobile, énergies, et un représentant de l’enseignement et recherche en matériaux. La tribune est animée de façon dynamique par un journaliste du monde de la recherche. La parole est aussi donnée à la salle.
Très vite deux sujets se dégagèrent de la discussion : recyclage et procédé d’élaboration. On sait les progrès réalisés dans le recyclage des matériaux constitutifs d’une automobile, y compris les polymères. L’aluminium se recycle très bien et avec un impact carbone faible chez les affineurs. Il en va de même pour le cuivre. L’impact carbone du recyclage des aciers en four électrique peut être allégé en développant l’utilisation du carbone d’origine végétale ou recyclé (à partir de pneumatiques usagés par exemple) pour fabriquer les électrodes du four. Le représentant du monde académique appela à garder un esprit ouvert dans une époque de transition comme la nôtre, à fréquenter les salons et expositions, à ne pas craindre la bio-inspiration (utile pour la conception de structures, mais peu pour les procédés métallurgiques). La projection de quelques diapositives d’un cours d’Yves Bréchet vint à l’appui de ces conseils. Pour ce qui est des progrès dans les procédés d’élaboration de fer à partir de minerai riche, la « décarbonation totale, ou plutôt la suppression de la consommation de carbone fossile – même si le projet d’un four de réduction directe du minerai de fer par l’hydrogène à Dunkerque avance bien – incite à utiliser, pour le passage des pré-réduits à l’acier comme mentionné plus haut pour le recyclage des ferrailles, du carbone recyclé ou biosourcé. Basculer d’une sidérurgie basée pour plus de 50% sur le carbone à une sidérurgie basée sur l’hydrogène (et par conséquent sur l’énergie nucléaire pour une bonne part), c’était le rêve de Jacques Astier de l’IRSID (de 1948 à 1992), spécialiste de l’agglomération du minerai et de la pré-réduction !
Les leçons de l’histoire des procédés métallurgiques sont parfois utiles face à des impositions règlementaires. La sidérurgie anglaise, déjà au début du 18ème siècle, aborde l’étape de conversion au charbon extrait de la mine et au coke car l’état des forêts du royaume l’impose, les bois de chêne et de pin sylvestre étant consommés pour construire les navires et les autres bois pour le charbon de bois. L’importation du bois des pays baltes et du Canada met à mal les finances du Royaume. La solution a été l’ouverture de mines souterraines avec des pertes humaines accrues par rapport à l’exploitation forestière. La transition sur plus d’un siècle est complète quand Bessemer puis Thomas révolutionnent la sidérurgie avec leurs convertisseurs à soufflage d’air par le fond. Le bilan thermique de la conversion de fonte en acier ne permet cependant pas de fondre la ferraille qui commence à s’accumuler. La solution viendra de France ou trois noms (associés à l’école des Mines de Paris) vont, en un peu plus de 30 ans, apporter des solutions au recyclage des ferrailles : Martin, Le Chatelier (3 générations, Louis, Henry et François), et enfin Héroult avec le four de fusion électrique (une dizaine d’années environ après sa co-invention avec Hall de l’électrolyse ignée de l’alumine). Il faudra attendre la mise au point de convertisseurs à l’oxygène pour que ceux-ci trouvent une certaine capacité à fondre des ferrailles, soufflage par le haut peu après 1945, par le bas dans les années 1970. La tribune a peu mentionné le cas de l’aluminium qui, grâce à de bons résultats de recyclage, passerait en France pour le bon exemple avec couplage de l’usine d’Aluminium Dunkerque et de la centrale nucléaire de Gravelines si l’extraction de l’alumine de la bauxite n’était pas associée au lourd bilan carbone du procédé Bayer (certes à grande distance de la France !). Les grandes inventions dans le domaine des procédés métallurgiques sont attribuables à des individus ou petits groupes au XIXème siècle, à des sociétés métallurgiques au XXème et seront probablement attribuables à des groupements nationaux ou internationaux au XXIème siècle. Des sociétés comme la SF2M sont donc bien placées pour fédérer leurs membres et animer des réflexions techniques et sociétales sur la lancée de l’ère post Covid.