Grande médaille
La Grande Médaille de la SF2M à l’effigie de Henry Louis LE CHATELIER est décernée, en principe tous les ans, comme couronnement de carrière, à une personnalité ayant accompli une œuvre jugée de première importance dans le domaine de la Métallurgie ou des Matériaux.

LAUREAT 2022
Yves BIENVENU
Attiré dès mon jeune âge par la transformation de la matière et inspiré par un atavisme (moins marqué que dans la famille Le Chatelier), ma formation s’inspire de celle de mes deux oncles ingénieurs métallurgistes de l’ENSEEG. Entre Ecole Centrale de Paris et Ecole des Mines de Paris, je choisis en 1966 la première pour la taille des promotions. L’enseignement d’André Rist et de Michel Eudier me confirmèrent dans mes préférences pour élaboration et mise en forme à chaud, transformation à l’état solide. Je fis trois stages à Centrale, en Septembre 1967 sous la houlette de mon oncle Jean aux forges d’Allevard, où je fus chargé d’établir le bilan matières d’un four électrique d’élaboration de ferroalliages, et j’ai aussi eu l’occasion de voir la coulée continue de l’usine du Cheylas, de découvrir la métallographie optique et la métallurgie des poudres (aimants ferrites) à Saint-Pierre d’Allevard. Le stage d’Août 1968 au CEA Grenoble, encadré par Y. Malmejac et col., sur l’étude (par la technique de la décantation) de la transition de la morphologie de solidification d’un alliage Sn-Pb de front plan à cellulaire, fut aussi éclairant. Le stage d’ingénieur de 3 mois à l’Irsid au printemps 1969, sous la direction d’André Rist et de Jean Rouanet, me donna l’occasion de participer aux essais d’affinage continu sur le pilote industriel d’Hagondange, et d’étudier les gouttes de métal de l’émulsion laitier / métal dans le décanteur qui suit un convertisseur.
L’étape américaine à Pittsburgh, Pa, (Carnegie-Mellon University) complèta la formation d’ingénieur avec des cours de master souvent en soirée. Le cours de thermodynamique de Claude Lupis prolongea celui d’André Rist (tous deux formés au M.I.T à une dizaine d’années d’écart). Les cours de physique du solide de Jim Langer me furent utiles dans l’interprétation des résultats de thèse. Mon directeur de thèse fut T.B. Massalski, dont les intérêts à l’époque sont la physique du solide, la stabilité des phases métalliques et les transformations de phases. Mon sujet portait sur la relation entre composition d’alliages binaires et ternaires, à base de Zn ou Cd allié au cuivre, ou à l’argent, et les paramètres de maille des phases hexagonales ε et η séparées par un domaine à deux phases (péritexie). La technique de l’hypertrempe (V > 105 K/s), développée par Pol Duwez à Caltech quelques années plus tôt, a été simplifiée en remplaçant la fusion par lévitation par une fusion en chauffage résistif dans un creuset (percé au fond) en nitrure de bore, peu « mouillant » et contaminant, mais conservant l’éjection par détonation en fines gouttelettes sur une plaque de cuivre froide avec près de 100% de réussite dans l’hypertrempe. Les phases ε et η sont prolongées dans le domaine à deux phases et se « rencontrent » à une concentration électronique, e/a de 1,91 environ, sans une continuité et avec une métastabilité qui ne laisse que quelques minutes pour enregistrer trois raies caractéristiques au diffractomètre X. Récemment, des collègues thermodynamiciens ont calculé la concentration pour laquelle les enthalpies libres des deux phases sont égales, et ils trouvent un e/a proche de 1.91 également. Une publication limitée à l’alliage Zn-Cu est en cours de préparation. Retour en France et service national (1 an) comme scientifique du contingent à l’Onera à Chatillon, encadré par Jean-Pierre Trottier. Dans une étude sous la microsonde de la solidification d’alliages Al-Cu dilués et eutectique, je fut chargé des fours, du creuset miniature et des expériences ainsi que des analyses par spectrométrie WDS : images saisissantes et résultats en accord avec la théorie. André Rist m’engagea aussi sur une courte période comme assistant pour les T.D. de son cours de sidérurgie aux côtés de J.B. Guillot avec la promo 74 (36 élèves, ce qui atteste du succès du professeur). Je devais garder des contacts avec plusieurs de ces élèves.
J’entrai ensuite à l’Irsid, Metz, division physico-chimie, pour l’étude à l’échelle de 10 kg d’acier liquide de la désoxydation/désulfuration complexe avec du silicocalcium, seul ou allié ou en séquence avec l’aluminium. Un développement industriel à Imphy suivit la phase laboratoire. Au bout de trois ans, passage dans la division Aciérie de l’Irsid, sur la désulfuration fonte avant affinage (traitement par injection de poudres de carbonate de sodium ou magnésium) et c’est en usine sur plus de 100t que se passaient les essais, toujours bien préparés par les compagnons de l’aciérie. Une lance double flux, inventée par le bureau d’étude, évitait le bouchage de la busette d’injection par le magnésium mou et fusible. Un grand nombre d’essais ont eu lieu « en nocturne » à Hayange, fonderie de lingotière en fonte GS à l’échelle de 13 t. Les aciéries de Dunkerque et Fos sont maintenant équipées de lances d’injection de carbure de calcium et peuvent injecter le magnésium nécessaire pour aciers à très bas soufre (oléoducs en climats arctiques). Au bout de six ans, je préférai revenir à une carrière académique et Gilles Pomey, alors directeur du Centre des Matériaux à Evry, qui m’avait engagé à l’Irsid en 1974 me proposa de remplacer Jean-Pierre Trottier à l’été 1980 comme maître de recherche de l’école des Mines de Paris.
L’objectif initial était de développer la métallurgie des poudres déjà bien engagée pour les superalliages pour moteur M88 (Rafale). Ceci fut fait sur 10 ans, 4 thèses, sur des alliages et des composites base Al pour aéronefs, des aciers rapides pour roulements de réacteurs, des métaux durs (carbures)… Le départ de Gérard Lesoult pour Nancy nous amena à maintenir une activité « solidification dirigée » et à développer vers plusieurs techniques d’élaboration voie liquide. La fabrication de composites filamentaires aluminium-fibres de carbone, par infiltration de mèches et mise en forme à la sortie du bain, permit de fabriquer et tester sur une ligne électrique à haute tension un câble à âme composite résistant au fluage et peu sensible à la dilatation thermique. L’assemblage de matériaux métalliques est la troisième classe de procédés de l’équipe : études avec le Cemef et Safran du soudage par friction de disques en superalliages (industrialisé), soudage par diffusion (industrialisé avec différents métaux), soudage par points de l’acier galvanisé pour la construction automobile, assemblages en connectique et divers brasages et réparations… L’arrivée de l’euro nous amena à optimiser avec Griset la coulée continue du « Nordic Gold », métal des pièces jaunes. La présence d’étain dans l’alliage de cuivre peut entraîner le collage du lingot dans une lingotière non optimisée. Cette entrée dans le monde du cuivre mena au colaminage cuivre-invar de supports pour les semi-conducteurs de puissance. La dernière classe de matériaux à faire son entrée dans l’équipe rassemble les mousses métalliques, nickel pour batteries, acier pour absorption d’énergie lors de chocs ou pour filtres à particules. La fabrication additive par fusion laser de lits de poudre est la dernière classe de procédés étudiés. Ces études variées furent le support d’une trentaine de thèses, souvent en collaboration avec d’autres équipes du Centre des matériaux ou d’autres laboratoires et usines. La collaboration européenne fut quasiment continue de 1981 à 2016 avec jusqu’à 3 projets en simultané. Des relations « durables » avec plusieurs laboratoires en résultent.
L’enseignement aux Mines (thermodynamique, procédés métallurgiques dont la sidérurgie lors des voyages d’option avec André Pineau) et dans plusieurs DEA/master (procédés dont la fabrication additive et biomatériaux) ainsi que l’encadrement de stages complètent mon activité recherche.
Membre de la SF2M depuis 1973, et du bureau, du Conseil et de l’équipe SF2Minfo. Editeur de la Revue de Métallurgie fondée par Le Chatelier et col en 1904. Conseiller scientifique et expert.
Grand merci à tous ceux, élèves, étudiants, collaborateurs, partenaires… qui m’accompagnèrent dans ces activités de formation et de recherche sur près de 50 ans. Grand merci à ma famille pour l’atavisme et bien plus…

tous les lauréats depuis 1949
2022 | Yves BIENVENU | France |
2021 | Jean-Hubert SCHMITT | France |
2020 | Christian REY | France |
2019 | Jacques JUPILLE | France |
2018 | Sybrand VAN DER ZWAAG | Pays-Bas |
2017 | Clément SANCHEZ | France |
2016 | Andreas MORTENSEN | Suisse |
2015 | Francis DELANNAY | Belgique |
2014 | Denis GRATIAS | France |
2013 | François MUDRY | France |
2012 | Yves BRECHET | France |
2011 | Michel RAPPAZ | Suisse |
2010 | Christian COLLIEX | France |
2009 | David EMBURY | Canada |
2008 | Georges SAADA | France |
2007 | Jean-Claude LEHMANN | France |
2006 | Jacques LIVAGE | France |
2005 | Hervé BIAUSSER | France |
2003 | Germain SANZ | France |
2002 | André ZAOUI | France |
2001 | Georges MARTIN | France |
2000 | Dominique GIVORD | France |
1999 | André PINEAU | France |
1998 | Georges SLODZIAN | France |
1997 | Bernhard ILSCHNER | Allemagne |
1996 | François GAUTIER | France |
1995 | Jean PLATEAU | France |
1994 | Pierre GUYOT | France |
1993 | Yves QUERE | France |
1992 | Dominique FRANCOIS | France |
1991 | John J. JONAS | Canada |
1990 | Gilles POMEY | France |
1989 | Michel WINTENBERGER | France |
1988 | Jacques FRIEDEL | France |
1987 | Peter HAASEN | Allemagne |
1986 | Yves ADDA et Jean PHILIBERT | France |
1985 | Raymond CASTAING | France |
1984 | Jean-Alex MICHARD | France |
1983 | Donald McLEAN | Royaume-Uni |
1982 | Etienne BONNIER | France |
1981 | Charles CRUSSARD | France |
1980 | Alexander R. TROIANO | USA |
1979 | André GUINIER | France |
1978 | Paul LACOMBE | France |
1977 | F; Deny RICHARDSON | France |
1976 | G. R. IRWIN | USA |
1975 | Paul BASTIEN | France |
1974 | Rolland MITSCHE | Autriche |
1973 | René CASTRO | France |
1972 | Uishi HASHIMOTO | Japon |
1971 | Henri MALCOR | France |
1970 | Sir Nevil NOTT | Royaume-Uni |
1969 | Henri de LEIRIS | France |
1968 | Georges HOMES | Belgique |
1967 | Georges DELBART | France |
1966 | Georgy KURDJUMOV | URSS |
1965 | Jacques POMEY | France |
1964 | Werner KOSTER | Allemagne |
1963 | Norman Percy ALLEN | Royaume-Uni |
1962 | Pierre JACQUET | France |
1961 | Henri THYSSEN | Belgique |
1960 | Marc ALLARD | France |
1959 | Hermann SCHENCK | Allemagne |
1958 | Antonio SCORTECCI | Italie |
1957 | Georges CHAUDRON | France |
1956 | R. F. MEHL | USA |
1955 | Pierre CHEVENARD | France |
1954 | A. F. WESTGREN | Suède |
1953 | Albert PORTEVIN | France |
1952 | E. C. BAIN | USA |
1951 | E. N. da C. ANDRADE | Royaume-Uni |
1950 | René PERRIN | France |
1949 | Carl BENEDICKS | Suède |