LAUREAT 2025

Marc LEGROS

Directeur de recherche au Centre d’Élaboration des Matériaux et d’Études Structurales (CEMES) du CNRS à Toulouse.

J’ai été formé à la physique des solides à l’université Paul Sabatier à Toulouse, en maitrise et Diplôme d’Etudes Approfondies. La plasticité et les dislocations, enseignées par Armand Coujou ont tout de suite été un îlot de curiosité et de familiarité … puis de vastes étendues à découvrir, surtout (seulement) lorsqu’on les regarde à un grandissement de 100 000x dans un microscope électronique à transmission (MET).

Sous la houlette de Daniel Caillard, j’ai ensuite appris à déformer ces alliages (Ti₃Al, superalliages base Ni) directement dans le MET. Une activité qui m’a conduit au doctorat en 1994 et me passionne toujours aujourd’hui. Cette technique est une des seules qui permettent de suivre les dislocations et la façon dont elles interagissent en temps réel avec une résolution individuelle. Et leur comportement est souvent étonnant, toujours fascinant.

Avec des perspectives d’embauches au CNRS à peine meilleures que celles d’aujourd’hui, mes encadrants m’ont conseillé de m’exiler en post doctorat, ce que je fis en partant à l’Université Johns Hopkins (Baltimore, USA), dans le laboratoire de Kevin Hemker. Une expérience que j’avais coutume de recommander à mes étudiants en thèse jusqu’à cette année 2025, et que j’espère pouvoir recommander à nouveau dans 4 ans. Au menu: propriétés mécaniques de films minces et de nanocristaux métalliques.

Entré au CNRS en 1997 au Laboratoire de Physique des Matériaux dirigé par Amand George à Nancy, j’avais pour mission de développer ces études sur métaux nanostructurés, mais surtout d’initier une étude sur la fatigue du silicium. Un matériau notoirement ductile et essentiel dans le développement de structures mécaniquement résistantes (une affirmation à prendre, bien sûr, au second ou troisième degré). Avec l’aide d’Olivier Ferry et Jean-Pierre Feiereisen, nous avons réussi à reproduire les fameuses bandes de glissement persistantes, caractéristiques des métaux cubiques faces centrées déformés en fatigue uniaxiale, d’en comprendre quelques mécanismes. Mais sans pouvoir vraiment résoudre toutes les questions liées à ces arrangements de dislocations si particuliers.

Le volet « matériaux nanostructurés » n’a vraiment pu être abordé sérieusement que lors de mon retour à Toulouse au CEMES, où avec Frédéric Mompiou, nous avons pu observer les premières sources de dislocation spirales dans des fils d’aluminium grâce à la MET in situ. Et montrer que le « smaller is stronger », qui n’avait pas vraiment de base physique, était juste un effet d’échantillonnage d’une microstructure de dislocations, couplé à la proximité géométrique de ces sources avec une surface. Dans le cas des alliages nanocristallins, la marche de connaissance a été plus haute à gravir puisque pour appréhender la potentielle plasticité liée aux joints de grains, il a fallu comprendre leur structure et leurs défauts. Les disconnections, ces défauts spécifiques des joints de grain, mais dont le comportement dynamique est inconnu, concentrent aujourd’hui nos recherches. Plus qu’épaulés par Nicolas Combe dont les simulations de dynamique moléculaire ont été primordiales, nous avons pu montrer que le couplage migration-cisaillement des joints de grains était complètement contrôlé par ces disconnections. Avec des conséquences à découvrir pour les générations futures.

Au travers de ce parcours qui touche bientôt à sa fin, je voudrais souligner la chance qui m’a souvent accompagnée. Celle d’observer des phénomènes rares, d’avoir pu mener les recherches qui m’intéressaient, celle d’avoir obtenu la reconnaissance du CNRS, mon employeur, de mes pairs en France et à l’étranger, et maintenant de la SF2M qui m’honore. De me confronter à la métallurgie physique, une science qui va bien au-delà des métaux et dont la complexité, qui est celle des matériaux, permet à beaucoup d’y trouver leur voie: simulations, expériences, intuition, calculs…. Cela a surtout été une chance de travailler avec des collègues, sans doute bien plus méritants que moi, des étudiants et étudiantes en thèse extraordinaires, et une famille qui a supporté mes longues absences de la maison. Soyez en tous remerciés.